Giovanni Leonardo Bassan est un artiste italien dont le parcours artistique se nourrit des nombreux points de rencontre entre la mode et le design contemporain. Il nous a donné un aperçu de son monde intime et nous avons abordé avec lui les choses qu’il aimait le plus, de l’art à la viticulture, ses derniers projets et sa vision du futur.
Giovanni, merci de nous accueillir chez toi ; peux-tu nous décrire ce qui nous entoure ? Depuis mon emménagement il y a trois ou quatre ans de cela, mon appartement a accueilli certains des objets qui me sont le plus chers : des meubles Rick Owens, qui font partie de mon quotidien, quelques oeuvres d’art d’amis ou de jeunes artistes contemporains (Matthew Stone, Paul P, Pol Anglada et Pierre Ange Carlotti). Lorsque je suis seul, ce qui n’arrive pas souvent, je passe la plupart de mon temps à l’étage, à travailler sur de nouvelles peintures.
Justement, tu vas créer une nouvelle exposition dont certains thèmes sont liés à Paris. Je prépare actuellement ma première exposition dans un musée à Moscou, où je présenterai certaines de mes anciennes œuvres ainsi qu’une nouvelle série de sculptures. Concernant mon approche de l’art ces derniers temps, je me suis beaucoup intéressé à la vie parisienne underground tout en l’associant à de nouvelles techniques de peinture. C’est comme si je tentais constamment de trouver de nouvelles combinaisons de sujets et de style, de toujours en faire plus et différemment. Comme un processus circulaire, détruire l’œuvre une fois terminée afin de pouvoir la peindre de nouveau mais d’une façon différente.
Comment as-tu commencé à peindre ? Mon travail est devenu réalité lorsque Michèle (Lamy) m’a prêté un sous-sol désaffecté à Paris. C’était petit, sans fenêtre mais c’était mon espace ! C’était la première fois que j’avais un lieu pour moi dans lequel je pouvais expérimenter et me concentrer pleinement sur le dessin.
Tu es italien, voyages beaucoup, comment te sens-tu à Paris ? Je suis arrivé à Paris il y a 7 ans, ce qui représente une période assez longue pour vivre et se démener dans une ville. Ma vie à Paris est principalement faite de contradictions ; la journée avec mon travail j’ai la chance d’expérimenter avec des réalités très uniques d’une façon presque élitiste, alors que la nuit je me retrouve dans des contextes bien plus grossiers et underground.
Et quelle place prend la création artistique aux yeux des événements mondiaux actuels ? Je ressens un décalage entre l’environnement artistique et ce qui se passe dans les villes autour du monde, c’est vraiment dommage ! L’art pourrait et devrait être un vecteur de connaissance si puissant, comme une véritable réponse pour nos sociétés ; il n’y a malheureusement pas de véritable relation entre l’art et la direction que le monde est en train de prendre, que ce soit à propos de l’environnement ou de la politique. Les tensions, notamment à Paris, ne cessent de grandir et nous sentons tous ce climat instable, peut-être devrions-nous essayer d’inclure un peu plus ces enjeux dans l’approche de l’art contemporain.
Abordons l’idée de nouveauté, de nouveaux visages qui arrivent dans la mode, l’art et le cinéma. J’ai redécouvert récemment la scène contemporaine africaine et afro-américaine et je trouve l’oeuvre d’artistes tels que Karen Machiavello, Kerry James Marshall, Cinga Samson et Toyin Ojih Odutola incroyablement inspirante. Je suis également fasciné par la remise en question permanente de la peinture figurative par l’approche d’artistes comme Lynette Yladom et David Rappeneau et l’exploration abstraite de Guglielmo Castelli.
Quel genre de personnes rencontrez- vous lors de vos voyages ou dans votre vie ? Inspirent-elles votre travail, ou vous donnent-elles de la force et du bonheur dans votre vie ? Si je devais faire la liste de tous les gens que je rencontre pendant mes voyages, cela serait sans fin ! Je suis inspiré principalement par les personnalités individuelles, indifféremment de la personne ou du lieu, comme nous tous je pense.
Quels autres mondes, mis à part ceux de l’art et du design vous attirent ? J’apprécie énormément la boxe et les sports en général où je peux laisser ma compétitivité s’exprimer et m’amuser avec mes amis. Du snowboard au surf, j’ai toujours aimé cette relation avec les forces naturelles, c’est comme une drogue pour moi. Mises à part ces montées d’adrénaline, je suis de plus en plus passionné par le monde viticole, je grandis et apprends à travers mon projet Katkoot Italia.
Pouvez-vous nous parler Katkoot Italia ? Katkoot est un mot arabe avec un sens assez large, qui est utilisé pour décrire quelque chose de petit et précieux (et c’était un surnom que m’avait donné Michèle Lamy). C’est également le nom de mon nouveau projet qui rassemble le monde de l’art et de la viticulture.
Il y a quelques années (avec l’aide de mon frère sommelier de 24 ans), nous avons eu l’idée de créer un Prosecco de qualité, développé dans un contexte international qui mettrait en valeur le Made in Italy ainsi que nos racines. Je voulais créer quelque chose de nouveau et singulier, j’ai donc dessiné une bouteille spéciale avec une base en bronze, présentée exclusivement dans des lieux artistiques. Les retours ont été bons et avec l’aide de quelques ‘amis’ comme Asap Rocky, Virgil Abloh et Michèle Lamy, j’ai ensuite pu faire des présentations et des ventes dans des galleries d’art ou de grandes maisons de couture telles que Comme des Garçons, Saint Laurent et Rick Owens. Nous allons également très prochainement commencer une collaboration avec les Galeries Lafayette! La prochaine étape sera un merveilleux Amarone, un vin rouge riche qui vient du Valpolicella dans ma région de Vénétie.
Photography Mathieu Rainaud
Interview Giada Bucciarelli
Styling Mathilde Camps