Interview Filep Motwary.
Photography Omar Macchiavelli.
Styling Ivan Bontchev.
All clothes by MSGM Spring Summer 2018.
C’est toujours intéressant d’entendre un créateur décrire l’homme ou la femme pour lequel/laquelle il crée. Qui sont les héros masculins et féminins MSGM, qu’est ce qu’ils racontent ? Mes héros, ceux que je prends en référence, sont simplement les jeunes d’aujourd’hui, conscients des défis que la vie nous réserve mais assez mûrs pour comprendre les erreurs faîtes par les générations qui les ont précédés. Ils ont une vision claire de ce que le futur devrait être, malgré tout ils veulent aussi s’amuser. Ils peuvent apparaître comme manquant de profondeur mais ils ne sont définitivement pas superficiels. Je peux poursuivre leurs idéaux et valeurs d’une façon calme mais efficace.
Massimo, dans la société d’aujourd’hui tout est exaltant, je me demande à quel point est-il devenu difficile de créer des collections qui reflètent aussi bien la tendance actuelle que la singularité de la marque ? Je pense qu’il est souvent bien plus difficile de permettre à une marque d’être singulière et cohérente dans le temps, que d’être une simple mode ou tendance. Je me suis rendu compte récemment que MSGM est désormais capable d’exister indépendamment et que même avec peu d’ingrédients pour la définir, il y en a assez pour être dans la tendance de chaque saison.
Quel est le rôle du corps dans votre processus de création, quels sont les codes moraux que vous suivez pour chacun des sexes ? Il semblerait qu’ils s’empruntent des pièces dans leurs vestiaires respectifs… Je n’ai pas de règles pré-établies ou de codes moraux; je puise mon inspiration dans le moment, à chaque saison, avec ce qui m’a frappé. Au début quand j’ai créé mes premières collections, j’imaginais la femme MSGM amie de l’homme MSGM. Désormais, j’ai fait un pas de plus et imaginé la femme MSGM, petite amie ou compagne de l’homme MSGM, tel un couple qui se prêterait ou échangerait les vêtements.
La couleur est un élément tellement rempli d’émotions et vous en utilisez beaucoup dans vos collections, auriez- vous la gentillesse de nous en dire un peu plus à ce sujet ? Les couleurs sont et restent un aspect très important de mon processus créatif. Je me considère comme une personne indirectement optimiste, qui voit les couleurs de manières positives, non seulement pour impressionner notre sens visuel mais aussi pour influencer tout aspect de notre être.
Qu’en est-il des émotions en général, pouvons-nous communiquer l’émotion à travers la mode ? De quelle façon pouvez- vous maintenir un dialogue avec le public qui vous suit ? Je ne sais pas si je peux infuser des émotions avec mes vêtements, mais pour revenir sur le sujet des couleurs, c’est un fait scientifiquement prouvé que la chromothérapie a la possibilité d’améliorer notre humeur et, je l’espère, changer notre personnalité. Mes shows expriment la période dans laquelle je vis et je crois que désormais beaucoup de mes clients ont grandi en parallèle avec moi; ce n’est pas un dialogue mais plutôt un voyage que nous avons fait ensemble. Il me semble aussi que la génération en dessous de nous à une nouvelle sensibilité, elle n’a pas peur de qui elle est et de le montrer.
Vous intéressez-vous à la jeunesse ? Kafka disait : “La jeunesse est heureuse parce qu’elle peut voir la beauté. Quiconque peut conserver cette faculté de voir la beauté ne deviendra jamais vieux”.
Et quelle serait votre définition de la modernité ? Je ne sais pas si je suis moderne, mais j’aime véritablement vivre comme tel.
Je me demandais quelle était votre approche du processus créatif chez MSGM, êtes-vous plus intuitif ou analytique? Je suis intuitif, mais j’aime toujours pouvoir analyser mes intuitions.
Quel est le plus grand défi qui se pose à votre marque en ce moment ? Disons le plus grand risque que vous n’ayez jamais pris ? Les défis que ma marque rencontre sont toujours les mêmes, année après année, saison après saison, mais je crois que MSGM devrait maintenant simplement pouvoir grandir et être de plus en plus célèbre. Le plus grand risque que j’ai pris est très certainement le fait d’avoir démarré MSGM. Lorsque j’ai débuté, j’étais bien plus naïf et je n’avais jamais imaginé faire tout ce chemin.
Et si vous vous comparez maintenant avec la personne qui a débuté à la fin de la décennie précédente, quelles sont les choses qui ont changé, évolué ou progressé dans votre approche et quelles expériences l’ont permis ?Le garçon qui commençait à cette époque, a grandi, est devenu un homme, au début tout ce que je faisais était très à l’instinct, j’étais sûr de moi et changeais rarement d’avis; aujourd’hui mon esprit est plus analytique, je prends le temps d’apprécier mes decisions et peux souvent changer d’avis, c’est bien de se remettre en question, c’est synonyme de maturité et d’une plus grande prise de conscience. En pratique, les grands changements autour de moi sont aussi très matériels, imaginez mes débuts, seul dans un petit bureau, la première fois avec deux employés, aujourd’hui, rien qu’avec le siège de la société ici à Milan, il y a une équipe de plus de vingt personnes.
Dans les années 80, la mode italienne a été, en quelque sorte, adoubée par la scène française, en accueillant Gianfranco Ferre dans une maison de couture française, à savoir Christian Dior. Étant un créateur à succès, pourriez-vous décrire la scène italienne de la mode aujourd’hui, et quelle est sa place dans la sphère internationale ? Pourquoi ne déménagez-vous pas à Paris par exemple ? La crise financière de 2008 a eu un gros impact dans ce pays, par-dessus tout le label “Made in Italy” qui reposait sur des petites sociétés de confection réparties aux quatre coins de la péninsule. Les marques italiennes ont compris que pour être fortes elles devaient créer un nouveau système, en travaillant ensemble, un peu comme ce qui s’est passé dans les années 80. La mode italienne connaît un nouveau printemps et je ne peux qu’être fier d’en faire parti. J’adore Paris, mais je ne vois pas, ou ne trouve pas de raisons pour lesquelles je devrais déménager dans la capitale française. Je suis un italien heureux de l’être, qui produit ses collections dans son pays natal.
Seriez-vous intéressé par vous investir de nouveau dans une grande maison comme vous l’aviez fait chez Pucci ? Pas maintenant.
Je me demande ce qu’on y apprend, en travaillant dans une grande maison ? L’expérience dans une grande maison comme Pucci vous apprend à diriger. J’y ai compris l’importance du personnel en entreprise, la valeur et le poids des talents qui choisis d’être à vos côtés et surtout comment gérer tout cela, comme le fait un chef d’orchestre ; par- dessus tout, l’importance de pouvoir travailler avec une superbe équipe.
Est-ce difficile de conserver des codes moraux qui s’opposent à ceux de la mode éphémère ou fast fashion ? Qu’est ce qui distingue la mode de qualité du reste ces jours-ci ? Je propose un produit complètement différent de celui que la mode éphémère peut proposer, ainsi nos dynamiques sont complètement différentes des leurs. De nos jours, la différence entre la mode de qualité et le reste se voit dans la cohérence, la constance du message et la qualité du produit.
De quoi la mode a t-elle souffert ces dix dernières années et pourquoi ? Est-il nécessaire de rester optimiste ? Je pense que les maux rencontrés par les maisons de couture ces dernières années résultent d’une révolution digitale soudaine et inattendue. De nombreuses marques n’ont pas su s’adapter. Les réseaux sociaux et le commerce en ligne ont complètement changé la façon dont nous communiquons et vendons; il nous a fallu juste trouver le temps pour le comprendre et apprivoiser cette révolution pour la tourner en notre faveur. Comme tout bon italien, je pense qu’il est toujours nécessaire et vital de rester optimiste.
Merci à Alberto Corino & Caroline Charles.
Hair stylist Rory Rice / W-M Management
Make up artist Erica Peschiera / AuraPhoto
Stylist’s assistant Chiara Pozzoli
Digital operator Martino Gerosa
Models
Etienne / Independent Management
Kasia / Next Management
Lukas / Next Management
Quin / Independent Management