Des cités françaises aux superproductions hollywoodiennes, l’acteur révélé dans le clip Territory de The Blaze, a conquis les deux côtés de l’Atlantique et ambitionne de briller cette fois de l’autre côté de la Méditerranée.

All clothes by Burberry
Interview by Bruno Deruisseau
Photography by Ethan Hart • Artem Project
Styling by Simon Pylyser • Fabbro
Grooming Alexandrine Piel using make-up by Mario
Set designer Iviu Torre
Photographer’s assistants Théophile Parat & Maximilian Mair
Digital operator Otto Dieckgerdes
Studio Le Petit Oiseau Va Sortir


La clope au bec dansant au ralenti sur les toits d’Alger, Dali Benssalah se révèle dans le très beau clip Territory du groupe d’électro français The Blaze. Ce que l’acteur développera dans la suite de sa carrière est déjà là, en germe : cette virilité éperdue et fêlée, ce mélange de physicalité brute (la scène du clip où il singe un gorille), de sensibilité à fleur de peau (ses larmes au moment d’étreindre ses frères) et de charisme fou (il est pour beaucoup dans la succès du clip, 123 millions de vue depuis sa sortie début 2017).
Ce corps qui en impose, ce Rennais de naissance les développe dans les quartiers populaires de la ville bretonne. Adolescent, il se passionne pour la boxe thaï et décroche un titre de champion de France en 2011. Il veut passer pro mais se blesse. Dali change alors son fusil d’épaule en s’inscrivant au cours Florent, tout en bossant à côté pour survivre : “J’avais sans doute plus envie que les autres, car je savais tous les sacrifices que je faisais pour passer quinze minutes sur scène. Je me donnais à fond.”. Il est alors remarqué par le directeur du Festival d’Avignon, Olivier Py, et par Stanislas Nordey, qui lui ouvre les portes du Théâtre national de Strasbourg, qu’il dirige. Mais le jeune homme refuse : “J’avais besoin de commencer à bosser. Je n’étais pas prêt à enchaîner les petits jobs et les cours pendant encore trois ans.” Arrive alors le clip de The Blaze.
Si on le voit par le suite dans l’excellente série de Rebecca Zlotowski, Les Sauvages (2019) et dans Banlieusards de Kery James (2019), c’est cette exposition qui lui ouvre les portes d’un tournage qui fera basculer sa carrière dans une autre dimension. Le réalisateur du nouveau James Bond, Cary Joji Fukunaga, voit le clip de The Blaze et passe le nom de Dali Benssalah à la directrice de casting Debbie McWilliams. Le voilà embrigadé dans No Time to Die, une énorme machine, pour laquelle il s’entraîne des mois et incarne un homme de main du super vilain du film, joué par Rami Malek. Durant les corps à corps avec Daniel Craig, il apprend à gérer la pression et fait aussi la connaissance d’Olivier Schneider, régleur des cascades sur 007 Spectre, qui lui propose ensuite de rejoindre le casting d’un buddy movie d’action avec Alban Lenoir, dont il vient d’achever le tournage.
Entre expérience de grand plateau, films d’action français et cinéma indépendant, l’acteur franco-algérien de 32 ans semble vouloir jouer sur tous les tableaux : “le tournage de James Bond m’a transformé c’est certain, l’humilité et le professionnalisme que j’y ai appris me servent tout le temps”. Il enchaîne avec Athena de Romain Gavras (2022), récit tragique d’une fratrie dans laquelle la cité s’embrase au propre comme au figuré. Il atterrit cette fois dans le camp de la loi, avec ce rôle de frère militaire dont l’intégrité est questionnée par les bavures policières et le désir de vengeance de sa famille.
La même année, il s’aventure dans un genre plus auteuriste en allant faire un tour chez la cinéaste suisse Ursula Meier avec La Ligne, dans lequel il incarne un personnage doux et apaisant, à rebours de ses rôles précédents : “Le film d’Ursula a été un coup de coeur, le besoin aussi de jouer autre chose, j’apprécie la diversité, c’est plus stimulant pour moi que de me voir cantonner à un seul type de rôle”.
Après le James Bond, il avoue avoir été beaucoup sollicité pour un cinéma d’actions à l’intérêt parfois limité. Tant mieux, Dali Benssalah a aujourd’hui le confort de pouvoir choisir les projets dans lesquels il s’engage. Prochainement, on pourra le voir en France dans la mini-série The Veil, diffusée depuis fin avril aux Etats-Unis. Dans ce récit d’espionnage dans lequel Dali incarne un agent français en couple avec un collègue britannique jouée par Elizabeth Moss, il est question d’un dangereux secret dont les rouages se situent entre Istanbul, Paris et Londres. Mais il espère aussi que sortira en France The Accidental Getaway Driver de Sing J. Lee, un premier film indé US récompensé à Sundance.
Quand on lui demande où il se voit dans dix ans, il espère poursuivre ce grand écart entre productions américaines et françaises. Mais il aimerait surtout participer à un projet algérien, pourquoi pas dans le prochain film d’Amin Sidi-Boumédiène, auteur de l’excellent Abou Leila (2019) : “malgré les difficultés économiques, le cinéma algérien est super dynamique depuis une dizaines d’années, je rêverais de pouvoir tourner en Algérie”. On imagine bien qu’un tel rôle pourrait à la fois boucler une boucle avec la scène de Territory et offrir à Dali Benssalah le premier rôle de composition qu’il attend encore.
Au rayon des films qui l’ont récemment marqué, il cite La Salle des profs de İlker Catak et Lady Bird de Greta Gerwig. Et lorsqu’il n’est pas sur un plateau de cinéma, Dali adore regarder des films mais il consacré aussi beaucoup de temps au sport qu’il effectue “juste avec un tapis, au poids de corp”, ou, en phase de préparation pour un rôle, “avec un coach et dans une salle”. Côté musique, il est en ce moment obsédé par la session live de 1.6, le premier album de Tif, qui mêle musique traditionnelle algérienne, andalouse et rap. Il vient également de refermer un livre qui l’a marqué : Quartier de combat d’Abdoulaye Sissoko, qui suit sur plusieurs générations l’évolution des quartiers populaire du 19e arrondissement de Paris, de l’enfance à l’investissement associatif en passant par la case délinquance : “je verrais bien ce bouquin adapter en série, c’est typiquement le genre de projet auquel j’adorerais participer !”.






