Décrivez-vous en quelques mots ? J’adore l’art et suis fasciné par le monde intérieur.
Vous parlez de monde intérieur, de votre âme donc ? Oui, mon âme est la plus grande entité de mon corps. J’ai été conscient de mon âme depuis que je suis très très jeune. Elle a toujours eu l’habitude de me parler. Ma vie, mon travail et presque tout que je fais a vraiment un rapport avec l’âme. Je ne regarde pas le monde extérieur comme quelque chose qui est nécessairement réel. J’estime que le monde intérieur est beaucoup plus réel, pour tout le monde, bien qu’on ne puisse pas toujours s’en rendre compte. J’ai passé ma vie à explorer le monde intérieur, composé d’âmes et d’esprits.
Quelle est votre mission sur cette Terre ? Ma mission est de trouver de nouvelles façons de représenter le corps humain et son royaume intérieur. Je passe beaucoup de temps dans mon studio, qui est l’endroit où j’ai tous mes livres, où je peux dessiner et être seul. Parce que la chose principale que je fais est de m’isoler et d’attendre la muse, l’inspiration qui me touche de n’importe quelle façon dont elle ou il désire. Puis, il y a un temps où je dois dire aux autres ce que je fais. Ceci implique Kira Perov, ma partenaire qui est la directrice exécutive du studio et chargée de représenter mon travail dans le monde. Elle comprend parfaitement mon travail et comment il doit être créé. Elle est aussi une incroyable organisatrice. J’ai beaucoup de chance de l’avoir. Nous regardons mes notes et mes idées et faisons ensemble la sélection des œuvres que nous désirons produire. Nous rassemblons alors notre équipe de production, décidons de combien de personnes dépend l’œuvre que nous allons créer. Puis parfois, nous montons des expositions, comme celle actuellement au Grand Palais à Paris. C’est ma plus grande exposition et je sens que nous avons fait de notre mieux. Nous sommes très heureux que le public vienne en masse nous soutenir, tout comme la presse.
Où vivez-vous ? Je vis à Long Beach, en Californie, sur une petite colline surplombant le quartier de Belmont Heights. Puisque j’adore l’eau, c’est l’endroit parfait pour moi. C’est très aquatique par ici : des canaux, des marinas et l’océan bien sur. J’ai toujours eu besoin d’être près de l’eau. Je n’ai pas le besoin d’être ailleurs.
Décrivez-nous votre processus créatif. Il y a vraiment trois aspects dans ce que je fais. Il y a l’inspiration, qui est extrêmement importante pour nous tous, grande ou petite, jeune ou vieille, elle vient d’un endroit que nous ne connaissons pas vraiment. Vous pouvez avoir cette petite étincelle qui arrive dans votre tête, c’est vraiment merveilleux, mais si vous ne faites rien pour la déclencher et l’utiliser alors rien n’arrive vraiment. L’inspiration est un cadeau des étoiles et elle entre en nous, évolue avec nous. Nous commençons à construire notre propre monde grâce à cette inspiration que l’on nous a donnée. C’est, à ce moment-là, que notre propre créativité entre en action, c’est la deuxième étape pour faire de l’art. Vous pouvez alors créer des choses à l’échelle que vous voulez, à grande échelle ou à petite échelle. Le dernier dans l’ordre, c’est le mystère. Le mystère est très important dans le processus créatif. Mais lorsque je crée quelque chose de nouveau, il est très important de ne pas le cacher complètement non plus. C’est là où beaucoup d’artistes se trompent parce qu’ils essayent trop de se cacher. Parfois, les artistes pensent qu’ils doivent fabriquer une caisse hermétique autour de ce qu’ils font. Si vous faites ça, vous faites une grosse crise d’ego et cela ne va pas vraiment aller très loin. Mais si vous vous ouvrez, ne serait-ce qu’un peu, vous laissez passer une petit peu de lumière sur que ce que vous avez fait ou juste par accident (les accidents sont très utiles) ; cette petite ouverture que vous n’avez pas créée est en fait la chose qui va laisser s’exprimer ce que vous avez crée en vous. C’est là mon résumé du cycle entier du processus de création.
Un de vos secrets de création ? Ne laissez jamais le travail que vous faites totalement terminé. Laissez quelque chose derrière, pour que d’autres puissent aussi l’expérimenter. Si vous transformez de la vidéo en art, alors vous devez aller profondément à l’intérieur de vous. Vous devez être sérieux, curieux, honnête, calme et concentré.
Qu’est-ce qui vous amène la paix ? Ce qui m’apporte la paix et la satisfaction, c’est de concrétiser les buts que je m’étais fixés dans chaque nouveau projet. L’écriture est aussi un processus très méditatif pour moi. Les périodes où je rédige mes idées pour un nouveau projet, lorsque je pose quelque chose de physique pour le regarder, afin de savoir si cela peut aller quelque part. C’est le principe de la poussée / traction.
Qui influence votre travail ? Kira, ma partenaire de création. Elle est aussi le producteur exécutif sur tous nos projets, ce qui signifie qu’elle est ‘la sage-femme’, assurant que les œuvres soient mises au monde de la meilleure façon. Elle travaille aussi beaucoup sur l’apparence de l’œuvre, qui sont les interprètes et ce qu’ils doivent porter comme vêtements par exemple. Et bien sûr, mes sources d’inspiration viennent aussi des grands mystiques, des poètes, des musiciens et d’autres artistes, comme Rumi, Ibn al Arabi, Saint-Jean de la Croix, Hildegard Von Bingen, Walt Whitman, David Tudor, Hariprsad Chaurasia, Pontormo, Hans Memling et Giacometti.
Quelle était votre première création quand vous étiez enfant ? Ce fut lors de mon premier jour de maternelle. La professeur, Madame Fell à Flushing Queens (État de New York), nous a donné des tubes de peinture pour nous occuper. J’ai alors pris un grand morceau de papier et j’ai peint une grande tornade, vraiment une très grande tornade qui commençait toute petite puis grandissait de plus en plus. Mon professeur a été si enthousiaste quand elle a vu ce que j’avais fait, qu’elle a dit, “regardez tout le monde, ce que Billy a fait.” J’étais si timide, je le suis toujours un peu d’ailleurs, je me suis caché sous la table. C’est la première œuvre que je me souviens avoir faite : une grosse tornade !
Que pensez-vous des générations futures d’hommes ? Je pense que nous sommes en ce moment dans une zone transitoire, ce qui ouvre beaucoup de possibilités entre les sexes et les diverses cultures. Nous sommes probablement dans une des transformations les plus importantes de la planète, du fait de notre propre conscience de ce que nous sommes. Il n’y a plus aucune tribu perdue désormais. Tout est déjà connecté. Que ce soit en haut ou en bas, à gauche ou à droite, masculin ou féminin, tout passe par nous tous maintenant. Donc je pense que c’est probablement une des périodes les plus importantes de l’humanité. C’est mon avis. Il y aura certes de la discorde et la route sera difficile mais je pense très positivement que nous serons tous connectés et cela nous permettra de nous respecter plus facilement et de partager les cadeaux de chacun. Toutes ces choses dont nous parlons là, sont à l’origine du développement, non seulement de nous-mêmes, mais aussi de notre planète. Et je pense que l’art a un rôle énorme à jouer dans cet avenir.
Quel est votre prochain projet ? Nous travaillons sur une œuvre appelée “les Martyrs”. Elle a été filmée, enregistrée et nous la montons actuellement. Elle sera présentée à la Cathédrale Saint-Paul de Londres fin mai.
Interview Cyrille Xavier